samedi 5 décembre 2009

Ambivalence de la communication

ambivalence de la communication

De prime abord, les choses sont claires et évidentes. La communication dit ce qu’elle est sans contrefaçon. Elle est une mise en commun, un partage, que sa racine en témoigne ! Elle présuppose un espace commun, un oikouménè, où le partage de la langue conduit tous les autres, de l’amitié au commerce. Pourtant, aussi rapidement qu’elle se laisse définir, l’idée de communication dans sa pratique, autant ancienne qu’actuelle, laisse sa place à ce qu’on pourrait appeler une stratégie langagière. En arborant les atours du partage, elle tâche de convaincre, de dominer. Dans le dialogue, se trament les desseins de la persuasion. C’est alors la naissance de la rhétorique. C’est là un changement pour le moins paradoxal que de passer d’un beau dialogue mu par une philia toute aristotélicienne à une harangue démosthénienne. Car si la communication comme stratégie veut se donner les airs d’un dialogue afin de tisser plus fortement ses rets, elle n’en reste pas moins un leurre. En effet, rien ne l’éloigne plus du dialogue véritable que sa posture qui, au contraire, désamorce toute réplique en retour, abolit tout mouvement. Le bon stratège va tâcher de littéralement laisser son audience bouche-bée. Elle prévient d’éventuelles reprises, neutralise les rectifications, elle grave la parole dans le marbre. Elle s’immunise contre toute récupération postérieure. Il y bien là un antagonisme entre le dialogue véritable, fait des amis (pensons au conseil) et la stratégie qui est le fait de la guerre.
En définitive, l’élément prédominant de la stratégie, qu’elle sert toujours, c’est la volonté de victoire sur autrui. Or ceux qui cherche la nikè, ne dialoguent pas mais se disputent pour l’obtenir. Or, là où règne l’éristique il n’y pas de place pour un échange sincère. Il y a sans doute ici des choses à comprendre pour qui tâcherait de saisir l’ambivalence du rôle de la communication à l’heure actuelle, censée créer du "lien social" par le dialogue et pourtant toujours forcée par d’autres impératifs, qu’ils soient économiques ou politiques.