dimanche 10 janvier 2010

Aristote : les prémisses de la justice sociale ? - I

justice sociale aristote

A la suite du papier sur La solitude du sage aristotélicien, je vous propose de s'intéresser à la notion toute contemporaine de "justice sociale". N'est-elle pas déjà en germe chez Aristote ? J'essaie de livrer quelques éléments de réponse par une lecture croisée des Ethiques, des Politiques. Bonne lecture.

Les démocraties occidentales tiennent pour acquis l'égalité de tous entre tous. Néanmoins à cette égalité de droit ne répond pas une égalité de fait. De nombreuses disparités grévent la société. C'est dans ce contexte qu'a émergé la problématique de la « justice sociale ». Cette idée n'est pas celle d'aboutir à une stricte égalité de fait, comme c'est le cas au plan juridique, mais au moins d'éviter les injustices. La prise en compte de ces injustices est devenue une tâche indispensable que l'égalité juridique ne peut plus dissimuler. Dès lors, on voit se distinguer deux sphères de la justice, celle de la l'égalité (en droit) et celle de l'équité (en fait). La distinction de ces deux notions n'est quant à elle pas une création contemporaine. On la trouve sous la plume d'Aristote, au cinquième livre de l'Éthique à Nicomaque. Ainsi si les préoccupations de justice sociale actuelles ont mené à une telle distinction, ne se peut-il pas qu'Aristote par cette même distinction ait voulu pointer le même problème ? Son époque fut aussi celle de disparités matérielles malgré une certaine égalité juridique. Bien sûr, on ne peut pas vouloir à tout prix confondre deux époques séparées par deux millénaires et demi, néanmoins la question semble légitime1. Afin de l'éclaircir on tâchera d'observer la constitution de l'idée de justice chez Aristote. Il ne s'agira pas d'offrir une étude de la typologie rigoureuse présente au cinquième livre, mais plutôt de se concentrer sur les rapports entretenus par l'égalité juridique (isonomia) et l'équité (epikieia). Enfin cette conception de la justice sert des buts, on observera lesquels et en quel sens ils permettent de parler de justice sociale.


La suite prochainement...


1La question semble en effet se poser en ces termes dans les études aristotéliciennes de ces quinze dernières années : « Tous les problèmes de justice posés par la philosophie politique d'Aristote trouvent leur origine dans ce simple fait que la communauté des citoyens réunit des êtres égaux sous le rapport de la liberté, mais par ailleurs susceptibles de multiples inégalités. » (BODÉÜS Richard, Aristote, la justice et la cité, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Philosophies », 1996, p.66)

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