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mardi 12 juin 2007

Le Janus ubiquiste de Guillermo Arriagua



Guillermo Arriagua n'a pas fini de susciter mon attention, et voici avec un titre tout aussi étrange, une nouvelle note à propos de son travail dans les films précédemment présentés. Dans la Némésis inconnue je tenais à mettre en perspective une certaine unité d'action présente dans ses films. Une unité comprise dans une forme structurelle et non en son thème, en son contenu ; un point de touche dans l'action des personnages qui se laissait appréhender comme un rapport commun au monde, aux événements. En effet, chacun avait sa vie, son identité, sa fonction, mais tous se retrouvaient en ce rapport à la vie orphelin de la causalité, de la conséquence, de la logique. Mais les scénarios de Guillermo Arriagua n'ont pas qu'un rapport avec le théâtre dans ce remaniement de l'unité d'action, mais aussi dans celui de l'unité de temps et de lieu. La conception de l'agencement spatio-temporel atteint une forme de gigantisme délivrant encore une fois ce paradigme d'humanité propre à cet auteur.

Rappelons-nous les paroles d'Hugo dans sa Préface de Cromwell de 1827 qui nous expliquaient que la vraisemblance ne pouvait souffrir que tous les événements se déroulent en un lieu, qu'ils ne pouvaient pas nous plus être condensés en vingt-quatre heures. Ainsi avec Guillermo Arriagua les événements entrelacés se déroulent aux quatre coins d'une même ville ou bien encore du monde. Les événements s'entremêlent faisant fi des kilomètres, la durée diluant la distance. Chaque action fait écho à une autre se déroulant en un autre lieu, en un autre instant. C'est bien là que se situe ce gigantisme qui créé une sorte de logique interne à ces événements, les bouclant les uns aux autres et ce, hors de toute proximité ou continuité. Entrelacement baroque, si je puis dire, qui ne suffit pourtant pas à donner de visage, de justification à la Némésis évoquée plus tôt, comme si le noeud qui tentait d'être contenu, ne cessait de s'emmêler à outrance, ou bien de se délier sans raison. Gigantisme qu'un titre comme Babel évoque si bien, le spectateur se trouvant tout au long du film au sommet de cette tour, ayant un regard plongeant, suprême sur tout événement pour finalement chuter inexorablement et n'ayant pu que constater sans avoir pu rester assez longtemps en surplomb pour expliquer.

Temps privilégié qui nous offre le constat d'une humanité qui par-delà distance et durée offre encore une fois la preuve de sa même structure. On se retrouve bien tel un Janus ubiquiste, voyant chaque action, en chaque lieu, du passé comme du futur, mais ne pouvant finalement jamais fixer notre regard face à elle pour les saisir de façon suffisante. Autrement dit, malgré l'entrelacement, cette humanité ne parvient jamais à défaire le noeud ou à le reboucler, elle ne peut, à la manière du spectateur, que constater sans jamais comprendre. Elle ne reste qu'une victime de cette Némésis inconnue, elle, qui a réussi à se maintenir au sommet de la tour abolie.

dimanche 27 mai 2007

Trois enterrements (The Three Burials of Melquiades Estrada) de Tommy Lee Jones


Trois enterrements est le premier long-métrage réalisé par Tommy Lee Jones (TLJ). L'acteur passe derrière la caméra, et pour ne rien vous cacher, l'essai est réussi ! Ce film fut récompensé par deux fois au festival Cannes 2005 : prix d'interprétation masculine pour TLM, et prix du scénario pour Guillermo Arriaga (21 grammes et Amours chiennes et depuis Babel). Ce n'est là, effectivement, pas une preuve d'autorité, mais remarquons que cette fois le ''gratin'' du festivaaaaallll avait vu juste !

Nous sommes au Texas, ses cowboys, ses lassos, son soleil... ce jour où Pete Perkins (joué par TLJ) est convoqué par la police pour identifier le corps de son meilleur ami Melquiades Estrada, (interprété par Julio César Cedillo). Melquiades était un mexicain clandestin ; malgré cette situation délicate, il essayait de s'intégrer au mieux. A vrai dire, c'était un 'bon gars'', honnête, gentil. Il était berger, et on ne sait pas pour quoi, il s'est fait abattre ; on l'a retrouvé près de ses chèvres dans la sierra.

Nous sommes au Texas, ses cowboys, ses lassos, son soleil... ce jour où Mike Norton (Barry Pepper), jeune policier des frontières, rustre et antipathique, scrute l'horizon afin de traquer les clandestins. Soudain un coup de feu ! Il pense qu'on lui tire dessus, riposte, tue l'assaillant.

Ce jour-là Mike n'avait pas d'assaillant face à lui, c'était juste Melquiades qui tirait sur un coyote pour protéger son élevage. Ce jour-là Melquiades, reçut une ''mauvaise'' balle d'un jeune policier des frontières.

Face à la nouvelle Pete va tout tenter afin de retrouver le tueur de Melquiades. La police, au courant de la bavure, cherche à étouffer l'affaire. Sa devise scandée par son représentant Belmont (Dwight Yoakam) : « on ne veut pas d'emmerdes ». Pete va néanmoins apprendre l'identité de l'assassin et va commencer une longue marche : faire comprendre à Mike toute la teneur de son erreur.

Une longue marche, celle d'un enterrement, celui de Melquiades qu'il va falloir ramener au Mexique. Il avait fait promettre à Pete de l'enterrer là-bas s'il venait à mourir. Pete le sait : une promesse à un mort, ça ne se trahit pas. Il embarque Mike avec lui (ou plutôt le kidnappe) et va le forcer à aller enterrer Melquiades avec lui. Une longue marche dans la sierra, celle d'une pénitence, celle de Mike.

C'est là toute l'histoire : un bourreau devient une victime. Celui qui a perdu son ami, victime orpheline en quelque sorte, devient bourreau. L'histoire d'un homme qui est poussé à expier, à aller au purgatoire. C'est là un point fort de ce film, cette alternance, servie par un jeu sans faille de TLJ et de Pepper. L'un joue avec froideur et solennité le rôle de ''l'expiateur'' (le néologisme est de rigueur) ; l'autre avec souffrance et désespoir le rôle de ''l'expiant''. Une froideur ne donnant jamais aucun écho miséricordieux à la souffrance ; solennité ne prêtant jamais aucune attention au désespoir. TLJ avec son visage vieillissant parvient à donner à ce personnage toute sa teneur et sa force. Pepper, le visage encore jeune et le corps puissant insuffle à son personnage une rage plaintive, désespérée et toujours vive.



Alternance se déroulant dans ces décors du sud des Etats-Unis où seules les montagnes et le désert peuvent vous fournir un horizon. Horizon aride, sec, où la sueur n'a pas le temps de naître. Terre destinée à la rédemption, où la marche même est une souffrance.


Si ce film touche, c'est bien par toute l'humanité de ses personnages. Pete est le rédempteur motivé par la loyauté envers un défunt ami, qui ne tuera jamais sa victime mais qui la poussera à bout afin qu'elle expie. Mike est la brebis galeuse, l'homme dans ses plus mauvais travers, mauvais mari, pas très courageux, un assez sale bonhomme en somme. Les deux se confrontent, le bon inflige au mauvais une souffrance qui doit le purger lui, et réhabiliter Melquiades au-delà de la mort. Il faut à cet homme un enterrement décent ; il ne faut pas l'oublier, la tombe est la dernière demeure. Cet homme tué par erreur, que personne ne cherche à pleurer (mis a part Pete), dont personne ne souhaite entretenir le souvenir alors qu'il était un brave gars. C'est bien cela aussi qui fait mouche dans Trois enterrements, cette humanité qui ne « veut pas d'emmerdes », qui nous révolte, mais à laquelle nous adhérons tous par moments. On se retrouve donc dans chacun de ces personnages avec plus ou moins de fierté.

On pourrait évoquer aussi la bande-son à la fois texane et se tamisant parfois pour laisser la place au son du vent fouettant les montagnes de la sierra.

Avant d'entrer dans la répétition élogieuse, je vous cède, comme le veut la coutume, la bande-annonce.